Toute littérature porte la marque de l’identité. Ainsi, on reconnait à sa façon d’écrire un écrivain français ou un écrivain américain, un écrivain africain ou un écrivain japonais.
La littérature américaine aime la démesure, les outrances dans tous les domaines. La littérature japonaise et chinoise se veut plus spirituelle et insiste sur le sens de l’honneur. Quant aux œuvres littéraires africaines, au-delà des thèmes, elles portent le sceau de la mesure dans le ton.
Même si les africains ont été colonisés et s’expriment par la langue du colon, ils ont leur spécificité. En plus des sujets, ils ont une façon d’utiliser la langue de Molière ou de Shakespeare. Le langage littéraire africain reflète la nature africaine. Ainsi la pudeur, la retenue du ton et la mesure sont des marques du rendu littéraire des africains. Le sexe étant un sujet tabou, l’écrivain en tient absolument compte au risque de subir une censure naturelle.
On remarquera chez les premiers auteurs africains cette habitude naturelle de ne pas choquer le lecteur; le recours à la litote et de l’euphémisme dans l’évocation des rapports intimes est l’une des spécificités de cette littérature.
De Bernard B. DADIE, Cheik Hamidou KANE, Chinua ACHEBE en passant par Ferdinand OYONO à Mongo BETI, le sexe est abordé avec tact, manière et précaution. Malgré, la truculence de son style et de nombreuses scènes cocasses, Ferdinand OYONO n’utilise pas un langage crû et direct quand il s’agit d’aborder les questions intimes. Ses livres n’étaient pas pourtant moins bons; bien au contraire. Ils se sont imposés au monde. Climbié, Le Vieux Nègre et la Médaille, L’aventure ambiguë, Le monde s’effondre etc. sont des livres qui ont été traduits en plusieurs langues et inscrits aux programmes scolaires et universitaires de nombreux établissements d’enseignements.
D’où vient donc que les écrivains africains ont abandonné le style voilé et suggéré pour se lancer brusquement dans le langage érotique dévoilé voire pornographique ?
Il paraît que c’est la mode. C’est la manière moderne, la seule façon d’intégrer la littérature mondiale. Alain MAMBOUCKOU a une écriture très libérée où se mêlent argot mais aussi le parler grossier.
De nos jours, des romans africains donnent une grande place aux scènes sexuelles osées. Le vocabulaire se veut direct? Les stars de cette dérive sont surtout les écrivains africains de la diaspora. Est-ce leur façon artistique de réagir à la critique occidentale qui souvent se moque de la grande pudeur africaine ?
On nous dit que le but est de vendre. De vendre des tonnes de livres. Dans cette Europe indécemment libérée et cette Amérique abusivement décoincée, le sexe fait recette dans les livres. De la littérature érotique, on est passé à la littérature pornographique.
Le cinéma après s’être nourri de littérature, influence les écrivains au point de les pousser à briser les tabous. Des auteurs africains immigrés sont allés jusqu’à introduire dans leurs livres les rapports homosexuels. Sami TCHAK (La Place des fêtes), KAGNI Alem (Coca Cla jazz), Tiburce KOFFI (L’embarras de Dieu) sont parmi ceux qui sont allés vraiment loin dans cette « libération littéraire », qui en fait est une corruption, une perversion de nos lettres.
Nous pensons qu’on peut écrire un grand livre, d’envergure mondiale, tout en restant soi. Nous pouvons réussir des prouesses sans tomber dans la mode aveugle et avilissante. Si nous adoptons tout ce qui vient de là-bas, de l’Occident, qu’allons-nous proposer au reste du monde? Le rendez-vous de la civilisation de l’universel ne consiste pas seulement à recevoir mais aussi à donner. Donner au monde, notre pudeur, notre sérieux, notre gravité. Et, ce à travers des œuvres littéraires marquées du sceau de notre culture.
Macaire ETTY